« Val d’Azun, vallée heureuse » sont les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des visiteurs et des habitants de cette riante vallée, perchée en balcon au-dessus d’Argelès-Gazost.
Ici, on ne se complait pas dans la nostalgie d’un paradis perdu en se disant en boucle : « c’était mieux avant ».
Le Val d’Azun vit au rythme de son temps et même en avance.
L’équation gagnante réside dans une agréable qualité de vie, assortie des moyens d’assurer son existence.
Les orientations de développement se sont rapidement dirigées vers la création d’un tourisme diffus et le soutien aux activités économiques non polluantes.
L’exemple de la Balaguère est en ce sens éloquent. Le choix initial de son implantation en Val d’azun a été guidé par la primauté du cadre de vie sur tout autre considération.
En résumé, c’est un pays où il fait bon vivre, travailler et venir en vacances.
Déjà au XIX° siècle, le Val d’Azun avait inspiré un poète romantique de passage :
« Que j’aime disait-il cette heureuse vallée,
Au pied de ces grands monts mollement étalée !
Tout y peint la nature en ces premiers beaux jours.
Les fruits et les moissons y naissent sans secours ;
Dans les prés sans enclos, naît une herbe abondante ;
Sur ces ceps non taillés court la grappe pendante ;
Ses libres habitants, levant au ciel leurs fronts, sont frais comme leurs prés, sont fiers comme leurs monts… »
Historiquement, c’est l’une des 7 vallées du Lavedan.
Ne pas interpréter le mot « vallée » au sens géographique du terme mais dans le sens de communauté villageoise.
Ainsi Ferrières et Estaing, anciens hameaux promus au XIX siècle au rang de commune , font partie intégrante du Val d’Azun, bien que géographiquement excentrés.
Pour accéder au Val d’Azun, il faut s’extraire d’Argelès par la côte d’Arras.
Au sommet, c’est le choc. Au moment où la pente s’amenuise, le rideau se lève sur un paysage grandiose, dans un jaillissement de lumière et une débauche de couleurs.
Telles des sentinelles au garde à vous, deux majestueux sommets occupent le fond de la scène. Le summum de la beauté est atteint quand les premières neiges saupoudrent les hauteurs.
À mesure que l’on avance, la sensation d’écrasement, courante dans les vallées encaissées, s’évapore pour laisser place à une indicible sensation de sérénité.
Dans ce relief adouci, le soleil vient dès le matin caresser de ses rayons généreux la vallée encore endormie.
Les prairies de fauche et les quartiers de granges montent haut sur les versants qu’ils partagent avec les forêts.
De part et d’autre de la route, aucune clôture n’emprisonne les champs. Seuls , quelques frênes ,torturés par la hache du berger, marquent de-ci de là une limite de propriété. Ce bois précieux trouvait, et trouve encore aujourd’hui, de nombreux usages dans la fabrication d’outils, le bois de chauffage, la nourriture pour le bétail et même une boisson à partir des feuilles. Il importe donc de le garder vivant, sur pied, le plus longtemps possible .
Quelques granges, posées au milieu des prairies de fauche, servaient autrefois à entreposer le foin, près du bétail . Certaines ont délaissé leur vocation originelle pour se reconvertir en habitation ou en gîte rural.
Le regroupement des villages sur les bords des pentes est un héritage de l’histoire. À une époque pas si ancienne, les terres étaient rares et la population nombreuse. Pour nourrir tout ce monde, il fallait laisser à l’agriculture les meilleures places, les terrains les plus plats et les plus fertiles.
L’habitat surprend par sa belle unité. Aucune verrue de béton, ni de câble électrique ne vient polluer le regard
L’ancien et le moderne se conjuguent sans se contrarier, à tel point que l’on peut avoir du mal à les distinguer.
Dans les villages, maisons et granges s’imbriquent les unes dans les autres comme un immense jeu de cube.
Certaines ont conservé leurs attributs agricoles : la sout à cochon, le poulailler à claire voie ou le layté, sorte de frigo naturel fonctionnant à l’eau fraîche.
La couverture d’ardoise est ici une règle absolue. Les plus anciennes se reconnaissent à leurs reflets bleutés caractéristiques de l’ardoise bleue d’Estaing. Les façades de pierres brutes ou de couleurs pastel introduisent dans le paysage une touche de gaîté et d’authenticité.
L’arrivée à Arrens marque la fin du « Val d’Azun civilisé ». Au-delà, commence le domaine de la haute montagne. Les deux puissantes silhouettes du Gabizos et du Pic du midi semblent interdire tout échappatoire vers le Sud. Pourtant, derrière, se devinent des sommets plus hauts, que les gens d’ici nomment « oreilles d’ânes » à cause de leur forme caractéristique.
Encore derrière, se cache le Balaïtous, seigneur des Pyrénées et maître incontesté des lieux. On lui prête souvent le nom de Marmuré dont la signification , marbre ,en patois local, fait référence à un étroit ruban de calcaire qui orne son sommet.
Aucune voie facile ne permet de le gravir. Le bougre se défend des « randonneurs du dimanche » en recherche de conquêtes faciles. Son aspect massif n’est qu’un trompe l’œil. On devine ,à son approche, un foisonnement d’arêtes acérées qui convergent vers le sommet. Les plus célèbres d’entre-elles sont les crêtes du diable. Elles sont au pyrénéisme ce que le Cid est aux lettres classiques.
Les 5 frères Cadier, grands pyrénéistes de l’époque héroïque, ont mis 10 ans pour explorer le Balaïtous dans ses moindres recoins.
A ses pieds, un chemin ancestral conduit au Port de la Peyre Saint Martin, unique passage à pied vers l’Espagne, autrefois emprunté par les pèlerins de Saint Jacques.
Le moteur économique du Val d’Azun est 100% écologique.
Aucune industrie polluante ni câble de téléski ne vient ternir sa sérénité bucolique.
Mais c’est plus un choix fait par défaut que par volonté réelle. Les édiles locaux en sont conscients et n’en font pas un complexe. Après s’êtres acharnés de nombreuses années à vouloir construire une station de ski, il a fallu se rendre à l’évidence : le Val d’Azun ne présentait aucun site propice. Même pas la moindre goutte d’eau thermale. Les vieux racontent que suite à un accord secret avec Cauterets, les Azunois auraient condamné leur source à perpétuité, contre on ne sait quelle compensation.
Quant à l’industrie minière, rien non plus de ce côté-là. La mémoire collective a tiré le rideau sur le scandale de la Compagnie des Mines d’Arrens qui vendait des actions sans minerai. Un des plus grands clashs financiers de l’entre-deux-guerres.
Petit à petit a progressé dans les esprits l’idée, en apparence farfelue, que l’état de nature pouvait être la principale richesse du Val d’Azun. Tout simplement. Un sanatorium proposait déjà avec succès des cures d’air pur, de lumière et de soleil. Aujourd’hui, l’établissement reconverti en centre médical éducatif reste le principal employeur de la vallée.
Fort de ses atouts, le Val d’Azun a fait le choix du tourisme diffus , intégré au plus prés de la population.
Ici, le touriste n’est pas accueilli dans un univers artificiellement créé à son intention.
Il est logé chez l’habitant, en gîte, en chambre d’hôte et dans toute autre forme d’hébergement à taille humaine.
Pour autant, le Val d’Azun n’est pas un lieu où l’on s’ennuie en vacances. On y vient pour pratiquer toutes sortes de loisirs de nature , surtout la rando été- hiver et le ski de fond.
L’activité agricole est particulièrement dynamique. Elle est le fait de jeunes agriculteurs qui ont su se moderniser tout en gardant leur âme et leurs racines. L’agriculture pratiquée , ici, est essentiellement tournée vers l’élevage et la production de fromage.
Les agriculteurs sont en nombre suffisant pour assurer l’entretien paysager de la montagne. En été, vaches et brebis vivent en liberté. Il n’est pas rare d’en trouver au matin, sur les routes , profitant de la chaleur du macadam pour réchauffer leurs pattes engourdies par la fraîcheur de la nuit.
Le caractère affirmé et volontariste des Azunois entre pour beaucoup dans la volonté de « tenir le cap » contre vents et marées. Déjà en 1427, l’histoire raconte qu’un procureur, malhonnête et cupide, tentait de récupérer des impôts sur lesquels il prélevait largement sa part. Les habitants ulcérés se sont emparés de sa personne, l’ont promené, nu et à l’envers sur son âne, avant de le jeter cul par dessus tête dans le ravin. Le saut du procureur est visible dans la côte et présent dans les mémoires.
D’autres exemples montrent que le Val d’Azun a su garder , malgré les vicissitudes de l’histoire, son indépendance d’esprit et d’action pour devenir ce qu’il est aujourd’hui.
Quand le bonheur existe, il faut savoir le garder.